Un petit pas vers plus de dignité

J’aime la photo, la lecture, la vie; j’aime la poésie, la contemplation, l’art; j’aime les fleurs, la lumière, le soleil et les nuages. Je n’aime pas la politique, je n’aime pas l’économie, je n’aime pas l’injustice sociale ni la spéculation, le secret bancaire, ou les privilèges. Et pourtant, aujourd’hui j’ai décidé d’écrire un court texte – maladroitement, naïvement – sur un sujet qui me tient à coeur: le salaire minimum sur lequel les Suisses vont voter le 18 mai. C’est ma manière de m’engager, de crier et décrier. Pour compenser la simplicité de mes propos, voici un poème,  concis et qui tranche dans le vif du sujet, du poète allemand Heinrich Heine qui dénonce, de manière si actuelle au 19ème siècle déjà et avec poésie, l’injustice sociale.

Weltlauf

Hat man viel, so wird man bald
Noch viel mehr dazu bekommen.
Wer nur wenig hat, dem wird
Auch das Wenige genommen.

Wenn du aber gar nichts hast,
Ach, so lasse dich begraben –
Denn ein Recht zu Leben, Lump,
Haben nur die etwas haben.

Heinrich Heine

Le salaire minimum, un pas pour dépasser la guerre de classes.
Le salaire minimum, un pas pour dépasser la guerre de classes.
Photo librement partagée par iGor

Le salaire minimum parce qu’il serait profitable à tous et qu’il serait la promesse d’une économie florissante et renaissante, si précieuse pour cette Suisse qui se félicite de ne pas sombrer dans la crise générale. Le salaire minimum parce que l’argent circulerait ainsi entre un plus grand nombre de mains, plutôt que d’être avidement et égoïstement capitalisé par quelques tout-puissants, arbitrairement privilégiés et se croyant en droit de mépriser les ouvriers, employés, travailleurs. Le salaire minium parce qu’il est inadmissible et inacceptable qu’un patron s’approprie la richesse que des employés produisent dans des conditions bien souvent dégradantes, souvent exploités et menacés pour le bien de quelques-uns, perchés au sommet de leur orgueil et de leur prétentieux égoïsme. Le salaire minimum parce qu’il est intolérable que les actionnaires et les puissants propriétaires de ce riche pays spéculent sur les matières premières, refusant de partager leur sale et immorale richesse, alors que des populations entières, source de notre pain quotidien, sont dépossédées du fruit de leur travail et incapables d’en vivre.

Un salaire minimum c’est le minimum, avant tout et surtout, parce qu’une mère qui travaille 40h par semaine doit pouvoir vivre décemment, subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de son enfant – lui acheter des gants et des bottes en hiver, faire réparer ses lunettes – plutôt que de renoncer à un minimum vital et dépendre de l’aide sociale (même s’il est évident que ce n’est pas avec 4000.- qu’une famille peut se passer d’aide sociale en Suisse). Parce qu’un employé d’une station de service ou une vendeuse de chez Casa doit pouvoir payer ses frais dentaires. Parce qu’une femme de ménage de l’UBS ou un vendeur de chez Talli Weijl doit avoir le droit de vivre dans un appartement qui lui assure un minimum de dignité. Parce qu’ils ont/nous avons tous le droit de prendre part à la vie sociale,aller écouter un concert, au cinéma, acheter un livre, payer des cours de musique à leurs/nos enfants, boire un verre avec ses/nos amis. Parce que tout homme, toute femme, quelque soit sa qualification, ses études, sa classe sociale, sa provenance doit pouvoir décemment vivre de son travail. Le salaire d’un travail doit assurer une vie digne, doit permettre à chacun d’être reconnaissant de vivre, d’être reconnaissant de vivre dans une société un peu plus juste et équitable. Valorisons le travail d’un agriculteur, un balayeur, une infirmière, une coiffeuse, un libraire, qui assure de manière bien plus essentielle notre bien-être que celui d’un capitaliste néo-libéral, qu’un trader.

Nous tous sommes responsables de la dignité accordée aux hommes et femmes vivant dans ce pays. La dignité de chacun fait la fierté et l’humanité de tous, à l’image de ce dicton bantou : « Umuntu ngumuntu ngabantu » – « Un humain est un humain à cause des autres humains. »
Refuser un salaire digne et décent à tout homme, toute femme, c’est lui refuser une pleine humanité. Refuser cela à quiconque, c’est se départir de sa propre humanité. Un salaire minimum, c’est une humanité partagée et réciproque. Un premier pas vers une égalité inespérée. Un petit pas vers une distribution plus juste des richesses. Et diminuer un peu la colère. Ce n’est pas au nom d’une économie florissante et croissante qu’il nous faut soutenir un salaire minimum, mais bien plus par amour de la dignité et de l’humanité, de l’égalité et de la justice sociale, par respect de soi-même et d’autrui.

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Un peu plus d’amour

P.S.: N’oubliez pas d’aller lire un billet sur le même thème ici.

Un commentaire sur “Un petit pas vers plus de dignité

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