Ouverture
OUVERTURE
Qui que tu sois, le soir sors,
sors de ta chambre où tout est connu ;
ta maison, c’est la dernière avant l’étendue,
qui que tu sois.
Avec tes yeux qui fatigués peinent
à se délivrer de l’usure du seuil,
tu lèves un arbre noir, lentement, à peine,
et le plantes devant le ciel : svelte, seul.
Et tu as fait le monde. Et il est grand,
pareil à un mot qui mûrit encore dans le silence.
Et comme ta volonté comprend son sens,
tes yeux de lui se détachent tendrement…
Rainer Maria Rilke, Le Livre des images, Première partie du premier livre, in Œuvres poétiques et théâtrales, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1997, page 193. Traduction de Jean-Claude Crespy.
EINGANG
Wer du auch seist: am Abend tritt hinaus
aus deiner Stube, drin du alles weißt;
als letztes vor der Ferne liegt dein Haus:
wer du auch seist.
Mit deinen Augen, welche müde kaum
von der verbrauchten Schwelle sich befrein,
hebst du ganz langsam einen schwarzen Baum
und stellst ihn vor den Himmel: schlank, allein.
Und hast die Welt gemacht. Und sie ist groß
und wie ein Wort, das noch im Schweigen reift.
Und wie dein Wille ihren Sinn begreift,
lassen sie deine Augen zärtlich los…
Rainer Maria Rilke, Das Buch der Bilder.
C’est avec un poème qui illustre deux aspects essentiels de ma démarche que j’aimerais inaugurer ce blog: « se délivrer de l’usure du seuil [de sa maison] » et élever un arbre avec ses yeux pour faire le monde. Ce qui est exprimé ici de manière poétique et métaphorique correspond à ma démarche photographique. Je pratique la photo en dilettante depuis trois ans environ.
La photo m’a d’abord prêté une respiration que j’avais perdue. Puis elle m’a aidée à me délivrer d’un enfermement, à continuer de sortir, à voir autre chose que le tourbillon d’idées noires qui me faisaient fermer tant de portes, à redécouvrir des espaces connus, avec un autre regard, en appréhendant la vie différemment, en l’acceptant simplement, au rythme des déclenchements.
Et peu à peu, la pratique de la photo m’a aidée à refaire un monde, à ériger à nouveau des arbres, noirs, puis colorés, et finalement vivants.
La photo a maintenu une ouverture. Une ouverture vitale au monde, à autrui. Une forme de communication avec l’extérieur. Une déchirure. Une fissure. Un orifice. Une percée de lumière. Une porte, entrebâillée d’abord. Et béante, enfin.
C’est pour tenter de briser durablement les verrous que j’ouvre ce blog.
C’est pour ouvrir la porte, les portes…
C’est pour sortir un peu plus de chez moi, pour partager et donner à voir mon regard sur le monde, sur ce monde qui s’offre à mon regard, pour laisser de la place aux allées et venues des uns et des autres. De la place aux variations…
Je souhaite que ta porte s’ouvre grand et que ton arbre se nourisse des échanges qui naîtront de ton blog. Je me réjouis déjà de découvrir ton regard sur le monde. A bientôt
Bienvenue ici! Un grand merci pour ces gentils mots! Je suis déjà heureuse d’avoir pu et de pouvoir me nourrir des merveilleuses photos sur bien des blogs qui m’inspirent… 😉
Bonsoir Jeanne,
C’est ici que je vais laisser une trace, j’ai vu de belles images et des textes aussi sur ce blog, cette première intention qui a fait son chemin alors, j’aime beaucoup cette déclaration qui m’offre du sens, sur le fait de bloger entre-autres. Mal tourné mon com, un peu fatiguée, mais je tenais à dire ainsi que j’ai aimé ma visite dans votre univers. A bientôt!
Votre passage et la trace que vous en avez laissé me fait bien plaisir. Un échange de plus, une joie de plus de communiquer et partager photos, ressentis, envies, et même réflexions sur le fait de tenir un blog. Merci!