pommier

un pommier danse, un pommier dessine le vent, un pommier archive l'ineffable, il manuscrit le passage

fleurit

des éclats blancs, verts, noirs, l'impossible est de retour, l'éphémère à intervalles presque réguliers, malgré le fleuve embétonné et les méandres du bitume, malgré la mémoire des âges qui tartinent la plaine pour la transhumance perpétuelle des fossiles d'acier, d'aluminium, de plastiques, de lithium, malgré

un pommier au printemps, ne se préoccupe pas du siècle, mais de la sève, de la lumière, de la chaleur, à sa montre les aiguilles s'ouvrent, se déplient, à la sortie de la chrysalide, ton monde peut bien mourir, tu peux toujours espérer le regret, tu as pris le chemin de l'oubli, ni bien, ni mal, aucune offense, qu'il en soit ainsi, c'est ainsi.

Elle marche. Personne ne sait d'où, dans quel but. Le sait-elle ? Il semble que oui, au vu de son pas décidé. Pourtant, son irruption ne modifie rien. Le pommier danse, fleurit, dessine le vent, un monde étrange, insensé, se croit croissant, il ne veut pas admettre qu'il s'étouffe lui-même — le voudrait-il, le pourrait-il ? —, cherche une prise où s'accrocher, si au moins il pouvait entraîner l'univers dans sa chute.

Tu as pris le chemin de l'oubli. Elle marche. Le pommier fleurit et danse, profite de ton inattention pour rejoindre le vieux verger, un verger à la retraite, un verger qui se déguise en jungle, aussi contraint que libre, au-delà du verbe et de l'articulation, tu as pris le chemin de l'oubli et le vivant semble se libérer du dictionnaire, se débarrasser des cotes et des classifications comme on dépoussière un tapis, un manteau, ce n'est qu'une illusion, ton illusion sur le chemin de l'oubli, ton mirage s'évanouit avec toi

la lumière toujours fut, et le pommier, et la marcheuse

toi seul avait construit ce filtre, cet écran pour t'isoler, pour être seul, seul toi, environné peut-être, environné tout au plus et d'ailleurs on allait bien voir et

toi

sur le chemin

de l'oubli.

No comment.