"Samson présenta fièrement son programme musical à la DEC. L'objet de sa fierté, c'était l'idée que celui-ci soit mis gracieusement à la disposition de quiconque. L'équipe qui travaillait sur le nouvel assembleur partageait ce point de vue. Par exemple, ils se montraient ravis que la transcription imprimée du programme sur bande de papier soit librement disponible dans le tiroir de la machine afin que chaque utilisateur puisse y apporter des améliorations, en supprimant quelques lignes de code ou en ajoutant de nouvelles fonctions. Lorsque la DEC exprima le souhait que ce programme soit accessible à tous les possesseurs du PDP-1, ils se sentirent honorés. La question des droits d'auteur ne fut jamais évoquée. Samson et les autres ressentaient un tel plaisir à disposer d'un ordinateur qu'ils auraient même pu payer pour cela. Et la rémunération royale d'un dollar soixante de l'heure qu'ils touchaient pour leur travail était pour eux une sorte de bonus. Comparée aux royalties, la conception d'un logiciel était une récompense plus grande, un cadeau fait au monde, une satisfaction en soi. L'idée majeure était de mettre l'ordinateur à la portée de tous, d'en faire un objet si désirable que tout le monde aurait envie de jouer avec, d'en explorer les possibilités, voire de devenir hacker à son tour. En écrivant un beau programme, on s'inscrivait dans une communauté ; on ne se contentait pas de produire à la chaîne un produit manufacturé.
Et, surtout, personne ne devait avoir à payer pour un logiciel : l'information devait être gratuite !"
LEVY, Steven, 2013. L’éthique des hackers. Paris : Globe. ISBN 9782211204101. p. 56