Les ouvriers de Continental, de Fralib, de Florange, etc., sont probablement moins révulsés de la parade insolente des fortunés qu’ils ne sont dévastés par leurs existences mises à sac sous la loi d’airain de la valorisation financière du capital. Et de même ceux qui, dans l’emploi, souffrent en silence la tyrannie de la productivité, la mobilisation harassante au service de la rentabilité, la menace permanente — du plan social, de la délocalisation, de la réorganisation façon France Télécom —, la précarité qui ronge les sangs, la violence généralisée des rapports dans l’entreprise.
C’est parce que 1936 a préparé le terrain, parce que les élites libérales des années 1920-1930 ont été liquidées, parce que le patronat s’est couvert de honte dans la collaboration, parce que le Parti communiste français est à 25 % et parce que l’URSS tient les capitalistes en respect que le lendemain de la seconde guerre mondiale voit un impressionnant mouvement de synchronisation institutionnelle au terme duquel le rapport — de forces — capital/travail bascule en faveur (relative) du second terme : contrôle serré des capitaux, réduction à croupion de la Bourse, concurrence internationale hautement régulée, politique économique orientée vers la croissance et l’emploi, dévaluations régulières, voilà ce qui fait la croissance à 5 % et le capital ramené (de force) à un peu plus de décence.