Interstice

L'éternelle ritournelle. Le vain mantra. Toujours la même histoire, sans histoire, ni queue, ni tête. Ni corps. Tous les claviers du monde, le stylo, le papier, la syntaxe, l'éditeur de texte, le moteur de blog, le thème, le serveur. Quoi d'autre ? La bonne police ? Police sans caractère. Une auto-censure sans assurance. Le jeu des sons comme un plan de com'. La bonne attitude ne trompe que soi-même. Et encore, quelques secondes seulement.

Je me cherche des poux. Dépouillé.

Mille et une chose à dire. Ne pas savoir par où commencer. D'abord parce que. Ensuite je ne sais plus. Tout autour il y a au moins trois, quatre foules qui le disent bien mieux que moi. Tout ce que j'ai à dire me vient de ces foules. Qui écrivent. Pensent. Pansent parfois, égratignent souvent. Il arrive en effet que le soin passe par l'égratignure. Égratigner le fragile et précieux confort qui se forme, enfin, lorsque l'on parvient à intérioriser les coups. Il arrive en effet que le soin passe par l'abandon de l'anti-douleur. Et c'est d'autant plus difficile à comprendre qu'en matière de douleur... Comment dire ? Que sais-je de la douleur ? Que sais-je de l'oppression ?

Rien. Ou si peu. Suffisamment tout de même pour connaître la ligne au-delà de laquelle les mots «droit», «démocratie», «égalité», n'ont guère de sens. Ni de poids. Cela va de soi, n'est-ce pas ? «Que faire ?» Il me semble voir ces mots très souvent. Articles, pièces de théâtre. L'expression d'un sentiment d'impasse. D'impasse plutôt que d'impuissance. Se voiler la face, se bercer d'illusions, voilà l'impasse. Il ne suffit certes pas de scander la litanie des «Yaka». Mais, la réponse au «que faire ?» est connue. Ce ne sont pas les recettes à tenter qui manquent. Ce qui manque, c'est notre désir de changement.

«Si se puede». «Yes, we can.» «Le changement, c'est maintenant». Encore la répétition, l'envahissement d'une expression qui dit exactement son contraire. Classique. Celui qui dit, celui qui est. Alors, on perroquette sans fin les mots «gestion», «bonne gouvernance», «développement durable», afin de conjurer le sort. Pensée magique. Un beau «gestion de projet» aussi, si possible «agile». Comme pour dire que nous nous bannissons l'avenir, ses possibles et ses nécessaires imprévus, que nous ne gérons plus rien, que notre sclérose est totale. Ou presque.

Le presque est essentiel. Tout se joue dans les interstices.

5 commentaires

#1 : 2013-02-26 @ 16:01
Jeanne a dit :

Très beau texte qui est la preuve que même si ce que tu as à dire te vient d'ailleurs (ce dont je ne suis pas encore tout à fait convaincue), ton écriture est la tienne, porte ta marque, même en quête. Ce n'est pas un autre, c'est toi qui le dit ici, ainsi. Et il me semble que si ça avait été un autre qui avait écrit cela, je ne l'aurais pas entendu de cette manière. Un peu confus, mais peut-être que tu comprendras... :)

#2 : 2013-02-26 @ 16:32
Laurence a dit :

Un texte qui résonne très réel dans le monde dans lequel je vis : l'Italie, aujourd'hui 26 février et qui se réveille avec la "gueule de bois".

#3 : 2013-02-26 @ 18:38
iGor a dit :

La gueule de bois. Qui se réveille. Oui.

Ou alors qui continue un cauchemar plus universel qu'on le dit. Il y a eu les SAP, un serpent malin, malin au sens fort. SAP, pour Structural Adjustment Program. Il s'agissait déjà de brader les biens publics à quelques privés. Il s'agissait déjà de réduire les budgets vitaux (santé, éducation, transports, etc.), pour rembourser à triple ou quadruple, ou pire encore, quelques actionnaires sanguinaires. Qui sait ? Peut-être était-ce pour financer quelques fonds de pension ? À quelque part, on trouve toujours le revenu du capital. Quand on remonte le fil de la souffrance, on finit toujours sur le mythe de l'argent qui travaille.
Je pense que la Grèce aujourd'hui donne une certaine idée de ce qu'a vécu l'Afrique, et d'autres, dans les années 80. Les guerres qui ont suivi ne furent pas des hasards.

Confus. Oui, certainement.

Je crois que la gueule de bois, ça fait déjà un moment, en réalité. Les années 2000 n'ont pas été belles à voir. Elles ont commencé de manière spectaculaire avec un coup d'état juridique aux USA, et se sont terminées sur la découverte d'un coup d'État plus discret : http://id-libre.org/file/presse/articles%20divers/The_Quiet_Coup_(Trad)_mise_en_commun.pdf

Et quarante ans qu'on nous rabâche les mêmes dogmes, des 'vérités' qui méprisent les faits autant que les salariés. Encore qu'il y a une petite catégorie de salariés qui pourrait presque se targuer d'appartenir à la gent humaine...

Merci pour les messages. Et courage pour la vie en Italie. De la solidarité et de la compassion, ça peut pas nous faire de mal, par les sales temps qui courent.

[je vais chercher un petit truc qui sonne bien, là]

[edit]
ouais, alors j'avais pas le fichier ailleurs que sur un vieux vinyl d'occase tout pourrave, donc je l'ai vite numérisé et je vous l'offre en pas bonne définition, et hop. C'est du Jimmy Cliff, sur l'album Jimmy Cliff, et ça s'appelle "Use what i got" :



#4 : 2013-02-27 @ 06:34
iGor a dit :

Puisque l'on parle d'Italie :
http://www.pauljorion.com/blog/?p=50453
et
http://www.pauljorion.com/blog/?p=50492

Et l'on pourrait parler de la Grèce également :
https://initiativegrecqueaparis.wordpress.com/2013/02/25/les-nouveaux-noms-separateurs-et-les-populations-superflues-par-dimitri-vergetis/

#5 : 2013-02-27 @ 06:40
iGor a dit :

Et hop, un nouveau commentaire intéressant : http://paigrain.debatpublic.net/?p=6745 "C'est maintenant !"

No comment.